Réparation commencée fin septembre 20205
Mickaël a trouvé mon contact en lisant ce blog, c'est déjà une preuve de perspicacité.
Au téléphone il me dit :
"J'ai un ampli qui ronronne malgré un "recap" récent. J'ai plus confiance en vous qu'en d'autres réparateurs de ma région(*), pouvez-vous le regarder ?"
Il a poussé la perspicacité à deviner que la flatterie, ça marche presque toujours avec moi ?
Pas sans un bon challenge : Comme essayer de réparer ce "PA240" fabriqué en France. Sans schéma bien entendu.
Mickaël rajoute :
"Je ne suis pas pressé, regardez quand vous aurez le temps".
Il a aussi compris qu'en me confiant son ampli cet été, il avait peu de chances de le revoir avant l'hiver.
En provenance du sud de la France et après une attente de plusieurs semaines dans la pile des "à réparer", cet ampli atterrit enfin sur la table.
Visuanalyse de l'audioanalyse.
Même si la tôle sérigraphiée indique un processus "pro", on devine déjà qu'il s'agit d'une production quasi artisanale. À l'intérieur un carton décollé confirme la première impression.
Mickaël m'a dit avoir déjà remplacé la quasi totalité des condensateurs chimiques (c'est déjà ça de moins à vérifier), et déplacé le transfo pour essayer de réduire le ronronnement.
Si le transfo est décalé, c'est surtout que son axe d'origine est mal placé et que, centré, le transfo toucherait le circuit et le dissipateur.
Artisanal fabriqué en France vous avez dit ? Je commence à avoir une sensation de déjà vécu... lire : ampli-michel-bigot-tandem-250.
Je n'ai pas trouvé de schéma, mais un reportage de 1983 confirme qu'on est bien dans le domaine de la petite série pour clients exigeants et... aisés :
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/pac05022325/bourges-la-societe-audioanalyse.
aparté :
Ne comptez pas sur moi pour dire que l'
audiophilieidiophilie est un syndrome en progression depuis cette époque.Depuis qu'une connaissance m'a soutenu avoir "ressenti" une amélioration après avoir changé le... cordon d'alimentation secteur de son ampli..., je songe à me lancer dans la vente de fusibles secteur pour audiophiles.
Malheureusement, ce fabricant créé en 1977 a fermé en 2016 :
https://www.pappers.fr/entreprise/audioanalyse-311294789
Premiers problèmes.
En déconnectant le transformateur, le petit fil bleu s'échappe de sa gaine : Était-il déjà détaché où est-ce en bougeant le connecteur que je l'ai cassé ? Je le re-soude et j'immobilise un cordon secteur temporaire pour pouvoir brancher hors boîter sans danger (sur une prise multiple avec interrupteur).
On voit une résistance cramée aux alentours de ce qui semble être une alimentation régulée. Après analyse, cette résistance se trouve en série sur la sortie + et alimente l'étage d'entrée d'une des voies de l'ampli.
Comme les deux voies sont identiques, la valeur est vite trouvée : 56 ohms comme celle d'à côté.
Par chance j'ai ça dans un des 6 tiroirs "R", avec la même dimension pour la même puissance.
Il est temps de sortir le circuit, opération facile puisque hormis les prises d'entrées RCA, tout est fixé dessus.
L'habituel paragraphe de critique facile :
Comme dans le Tandem-250, on dirait que le circuit a été routé après avoir jeté les composants en vrac dessus. Alors que les voies G et D sont identiques, il n'y a aucune similitude ou symétrie dans le placement.
L'alignement des composants est... perfectible, des broches sont sévèrement tordues pour rejoindre les pastilles.
Près des étages de sortie, il y a pas mal de trous pour des composants non montés : Difficile de deviner ce qui pourrait aller là pour un autre ampli reprenant ce même circuit ?
La première opération consiste à immobiliser les deux gros condensateurs d'alimentation avec un collier nylon.
La deuxième, à se débarrasser des transistors de sortie et du dissipateur (ou "radiateur" dans le jargon admis), pour voir si l'un d'eux n'est pas en court-circuit - ce qui serait une bonne cause pour faire ronfler le transfo, voire le cramer -.
Après un nettoyage (dans de l'essence !) on pourra les tester et les reposer avec une nouvelle pâte thermo-conductrice (sans en mettre sur les broches sinon la soudure est compromise).
Faut prendre les mesures qui s'imposent.
AÏE ! L'alim régulée fournit +45 / -33 V en sortie.
Vérification des deux transistors : Celui du négatif (BD139) est bon ; Celui du positif (BD140) est mort.
J'ai trouvé quelques BD140 pendant l'inventaire - toujours en cours - : Des neufs et quelques récups, je les vérifie avant de le changer.
Pendant qu'on y est je remplace aussi le grand condensateur bleu, et je supprime temporairement les deux chimiques jaunes (en sortie) qui ont l'air de dater un peu.
Et vu du dessous, on voit qu'un des deux est peut-être responsable de la panne : Il est gonflé et même décoloré. Étonnamment il n'y a pas de traces de fuite sur le circuit.
Les tensions aux bornes des diodes Zener 12 V sont déséquilibrées.
Je les remplace par des versions plus puissantes, ainsi que les deux résistances de 1,8K associées (que je place écartées du circuit imprimé car elles chauffent pas mal).
Un bout de schéma.
Ici un rapide calcul (approximatif, en négligeant certains courants), qui démontre les tensions importantes (35 V !) en sortie d'alimentation régulée :
- la base de Q202 est à 12V, donc son émetteur à 11,3 V
- R203 est parcourue par I = 11,3 / 5600, qui traverse aussi R204 (simplification).
- La tension en sortie est donc U = 12000+5600 * (12,3/5600), ce qu'on peut simplifier en
- U = 11,3 / 5,6 * 17,6 = 35,5 V
Ceux qui ont lu l'article sur l'ampli Michel Bigot savent déjà que ce schéma - qui peut contenir des erreurs -, ne sera pas téléchargeable aujourd'hui.
Je le donnerai néanmoins avec plaisir à ceux qui possèdent cet ampli, comme Mickaël.
L'esthétique, ça compte.
Avant de re-souder les transistors de puissance (vérifiés comme il se doit), je me dis qu'on ne peut pas laisser les soudures circuit aussi sales - au point qu'on ne voit pas si deux pastilles proches sont reliées par du cuivre, tellement tout est encrassé par le flux de soudure.
avant, après :
Vu la couleur du "jus" nettoyé, il n'est pas impossible que ce circuit ait été initialement recouvert d'un vernis épargne "soudable" ?
Il y a longtemps j'ai utilisé un tel produit (KF en bombe, couleur verte) - avant soudure -, avec le même résultat immonde de soudures caramélisées.
Depuis j'applique un voile de WD40 après réparation sur les circuits bruts.
Si le nettoyage a l'inconvénient esthétique de rendre les soudures mates, le résultat permet de constater que certaines méritent d'être refaites : On voit ici typiquement le résultat de l'utilisation d'un fer pas assez chaud sur des composants à grosses broches, ou sur des surfaces de cuivre importantes.
La qualité d'un fer à souder se mesure plus en sa capacité à conserver sa température sur des "grosses" soudures (inertie importante + remontée rapide), qu'à la température maximale qu'il peut atteindre.
Remontage pour essai.
De nouveaux isolants prennent place sous les BD139, dont les broches doivent être méchamment tordues pour atteindre leurs emplacements :(
Les 6 contacteurs, les potentiomètres, l'interrupteur, les prises RCA et casque... sont arrosés de "KF F2" et manipulés plusieurs fois.
Le circuit reste pour l'instant sur la table : Les fils des entrées sont écartés et j'injecte de l'audio directement sur le bouton "aux".
Du son sort bien sur mes petits haut-parleurs de pc, mais une des voies sonne "bizarre" et carrément "pourri" dès qu'on monte le volume à peine à 1/10.
À l'oscilloscope sur les sorties, on voit immédiatement qu'une voie se prend pour une radio (*).
bon, pas bon.
(*) Oui, je sais que ce n'est pas la forme d'une modulation AM, mais vous aurez compris l'image.
On retrouve cette oscillation sur un des amplis-op LF356, je vais les monter sur support puis les permuter pour voir si l'oscillation se déplace avec le circuit.
J'en profite pour nettoyer le côté composants du circuit, qui en avait également besoin. Ici j'utilise un pinceau moyen bien trempé dans l'alcool, puis je sèche tout à l'air comprimé.
C'est bien un des amplis-op qui est mort.
Mais la chance continue : J'en ai des neufs dans le tiroir "OPAMP"
Après remplacement l'oscillation a disparu, le son est bon sur les deux voies - et le réglage grave / aigus re-fonctionne -.
C'est pas fini...
Si tout semble fonctionner à partir des entrées signal "fort" (aux, radio, tape), ce n'est pas le cas pour l'entrée phono.
Naturellement comme il s'agit d'une entrée pré-amplifiée pour une cellule phono, j'ai réduit le signal injecté à quelques mv.
Une voie est ok, mais l'autre ne restitue qu'un ronflement à 50Hz. Et ce n'est pas un fil coupé ou une mauvaise soudure.
Deux (!) transistors sont h.s.
La chance a tourné : Ce sont des BC560 (PNP), et je n'en ai pas (ou pas encore trouvés). Il sont ici accompagnés par les complémentaires BC550 (NPN).
Ces transistors sont indiqués comme "low noise" ce qui en font un bon choix pour une entrée phono.
Si on devait les commander chez Mouser, Digikey ou ailleurs (*), les frais de port seraient disproportionnés pour un transistor à quelques centimes.
Avec l'accord de Mickaël je vais tous les remplacer (4 transistors par voie) par des BC557 / BC547 neufs dont je dispose, - sélectionnés pour avoir un gain proche -.
Avec l'espoir que des transistors récents seront peut-être plus performants que des "low noise" de 40 ans ?
L'entrée phono re-fonctionne.
Remise en boîte.
Pas question de laisser le transformateur décentré : Je déplace l'axe et je l'immobilise entre une solide rondelle (en dessous) et un écrou bloqué par une rondelle crantée.
Le côté cuivre reçoit son léger voile de WD40 protecteur, on essuie le surplus après quelques minutes.
C'est après avoir tartiné le dissipateur de graisse thermique, que je me rends compte que j'ai oublié de souder les fils secteur et transformateur. Même en essayant d'isoler ça derrière un bout de sopalin, je m'en suis - comme toujours - foutu partout pendant la manipulation.
Du coup j'ai monté ces fils sur des bornes, ça facilitera un éventuel nouveau démontage.
J'ai également remplacé les fils des prises RCA par du câble blindé. Ce n'est peut-être pas indispensable mais ça ne fait pas de mal.
Réglages.
Le 0V en sortie est mesuré entre la masse et le point commun des deux résistances de 0,22 ohms (ou sur le bornier HP).
Le courant de repos est réglé à environ 30 mA en mesurant la tension sur la résistance de 0,44 ohms formée par les deux résistances de 0,22 en série, soit 13,2 mV.
Je laisse chauffer 20 minutes avec le capot posé : Un dernier ajustement et on va dire que c'est bon.
On nettoie, on colle, on ferme.
Avant de le refermer (définitivement ?), je recolle le carton à l'intérieur du boîtier. J'ai utilisé de la colle "contact" néoprène, après avoir nettoyé le carton des anciennes traces. Utilisation de ruban de masquage pour ne pas baver.
Avant de refermer : Les boutons, le boîtier, les prises, même le cordon sont nettoyés au savon.
note : "penser à racheter de la mousse nettoyante" !
Résumé.
Voici ce qu'il a été nécessaire de changer pour redonner vie à ce "audioanalyse PA240" :
Comme dans le Sansui, on n'aura pas changé que quelques condensateurs.
Des questions demeurent :
- Qu'est-ce qui a pu détruire autant de composants, aussi éloignés ?
Je pense que le condensateur jaune explosé a "tiré" sur l'alimentation régulée, dont le transistor a grillé en court-circuit. Ce qui a envoyé 45 volts un peu partout où il ne devait y avoir que 35.
- Pourquoi seulement une voie a subi des dégâts, et pas l'autre ?
- Pourquoi un ampli-op a grillé alors qu'ils sont alimentés en +/- 12 V (via les zener qui étaient fonctionnelles) ?
- Le son sera-t-il époustouflant si je me décide à sortir mes enceintes du grenier ?
Mystèèère ;)
Modernisation ou préservation ?
Je me pose souvent cette question en face d'une électronique d'époque qui pourrait être améliorée avec des composants modernes.
Par exemple, dans cet ampli on voit clairement que l'alimentation régulée - cause probable des dégâts -, mériterait d'être remplacée par des régulateurs linéaires intégrés (LM317, 7812 ou autres) plus stables et protégés contre les surcharges.
Il y même de la place dans le boîtier (à gauche) pour un placement sur un solide dissipateur.
Mais si on commence par changer ça, pourquoi ne pas aussi remplacer aussi tous les transistors par des plus performants ? Ajouter un relais temporisé sur les sorties ? une télécommande ? du bluetooth ?
Et pourquoi pas, refaire un circuit imprimé mieux routé ?
À mon humble avis cet ampli audiophase fait partie de ceux-là.
(*) Évidemment, c'est en rédigeant ces lignes - à côté de l'ampli refermé -, que j'ai eu l'idée de vérifier chez St Quentin Radio : Ils ont le BC560 et le BC550. Et je dois venir à Paris d'ici peu.
Je vais donc demander à Mickaël si il préfère qu'on rétablisse le préampli à son état d'origine.
St Quentin Radio est un des derniers endroits où on peut demander des composants un peu anciens, à des vendeurs qui le sont aussi qui ont de l'expérience.
Malheureusement le magasin Radio-Son à Tours a fermé.
À suivre :
Un système Bose Acoustimass 20 prévu pour le 110 V (USA) a été branché en force sur le 230 made in France.
Eh ben... Il a fait "cocorico", puis plus rien.