dimanche 29 janvier 2017

The sound of silence

Jean m'a confié(*) un poste de radio "Imperator" après que je l'ai découvert dans une remise, entre une tondeuse et un râteau.



(*) "Offert" est le mot juste, et Jean a utilisé une jolie expression : "Tu en est le dépositaire". Mais j'espère bien qu'il retrouvera une place chez lui, à côté d'autres beaux objets comme son Grundig TK-126 que j'ai restauré récemment.

À la même période, Yukié m'a offert un poste "Uniq" trouvé sur la brocante de Montrichard.


Double restauration.

Le temps est venu poser ces postes sur l'établi.
Étant de la même époque (les postes, pas moi), autant les restaurer en même temps car les étapes seront similaires. Comme d'habitude les premiers composants à changer seront les mêmes : Les condensateurs chimiques et papier.

Extérieur.

Sur les deux postes la vitre n'est ni cassée ni même piquée, le tissu n'est pas tâché.
L' "Imperator" est bien conservé sans dégâts apparents. Le bois a quelques tâches de peinture, les plastiques son piqués mais rien n'est cassé.


Le "Uniq" a souffert, la bakélite a été réparée avec... des agrafes ! La réparation semble ancienne.
Sous un bouton il y'a une trace de brûlé, mais rien à l'intérieur ? Et le bouton est intact. Mystère.


Intérieur.




Bonne surprise : Hormis l'étage final, les lampes sont les mêmes.
L'Imperator possède un haut-parleur "à excitation" avec bobine "anti ronflement".
Le Uniq a un haut-parleur classique et a déjà été réparé auparavant : L'habituel double condensateur d'alimentation a fait place à deux condensateurs dans le châssis, mais les capas "papier" sont d'origine. Le tube de redressement EZ80 semble doublé avec des diodes (aïe).


Avant de mener une restauration de A à Z, on va procéder à un essai pour vérifier que les postes fonctionnent ou sont réparables, en commençant par l'Impérator.
Chaque élément facilement démontable est retiré et tout est sommairement nettoyé à l'air comprimé et au pinceau pour l'électronique fragile. Les surfaces plus robustes sont nettoyées à l'alcool.


Essai de l'Impérator.

Avant de changer quelques condensateurs je vérifie les transformateurs et... mauvaise surprise : Le transformateur d'alimentation ET le transformateur de sortie sont H.S.


On verra dans un prochain article s'il est possible de les sauver.

Mais sur le Uniq les transfos sont bons, je vais donc utiliser celui du H.P. pour le monter temporairement sur celui de l'Imperator (j'ai besoin de sa bobine d'excitation pour alimenter le châssis). Pour l'alimentation j'ai un modèle plus récent en stock.
Je vérifie les valeurs des résistances, les filaments des tubes, je change quelque condensateurs / capas, et je branche tout ça derrière un transformateur d'isolement (je n'ai pas de variateur donc c'est quitte ou double).

Suspense...
La tension sur le premier condensateur (HP) monte à 330 Volts puis redescend rapidement vers 250V lorsque tous les tubes sont chauds. Le second condensateur (Rail) affiche 180V. Aucune odeur suspecte.
Le haut-parleur ronronne, le potentiomètre de volume crache un peu, rien de grave.


En tournant le C.V. on entend bien les parasites inter stations (ronflements, souffle, sifflements etc), de même en changeant de gamme ou en tournant l'antenne ferrite.
Mais de radio intelligible, point.
L'œil magique reste éteint.
Je réessaie en changeant deux tubes par ceux en provenance de l'Uniq : Aucune amélioration.
Ceci n'est pas très bien parti pour l'Impérator donc avant d'aller plus loin je passe à :

Essai de l'Uniq.

Comme je ne sais pas si j'ai déréglé l'Imperator en le nettoyant, je préfère mener le premier essai de l'Uniq après un minimum de manipulations. Pas d'alcool pour lui.
J'ai contrôlé le transformateur d'alimentation, le transformateur de sortie a rejoint son haut-parleur, quelques condensateurs sont changés. Par goût du risque flemme j'ai conservé les condensateurs d'alimentation qui n'ont pas l'air trop usés.


Je branche et... curieusement, ça fonctionne.


Mais je ne capte qu'une station en français et quelques voix fantomatiques.
(Désolé pour cette vidéo tremblotante, l'iphone à main levée ce n'est pas l'idéal).

Silence radio.

Ce poste mériterait t-il donc une restauration pour un fonctionnement "comme d'origine" ?
Si vous avez lu l'article précédent "Bonne année" vous savez que ce serait beaucoup de travail pour peu d'utilité.

Mais le plaisir du travail bien fait l'emportera encore une fois sur le rentable dans un prochain court article "Transformateur ? Ne coupez pas."
Et il n'est pas question de ranger ces postes de radio, même silencieux. On continuera bientôt avec la restauration de l'extérieur.



dimanche 22 janvier 2017

Futur antérieur

Dans la présentation de ce blog j'ai utilisé le terme "Réhabilitation" et non "Restauration" ou "Réparation".

C'est le moment d'expliquer le choix de ce terme.

Addendum : Alors que j'ai commencé la rédaction de ce billet en 2016 - encore plein d'illusions -, la disparition des émissions en AM de Radio France (voir ici) m'impose de revoir quelques prétentions.

Le dilemme identité / utilité.

Je vais travailler - un jour... - sur quelques oscilloscopes des années 50~70.
© electrautopsy
Chez les ricains, tout est plus grand. (Poncif)
Je vais travailler - demain - sur deux postes de radio de la même époque.

© electrautopsy© electrautopsy 
Bakélite (Ribet Desjardins / Uniq) ou bois (Imperator).

Certains appareils méritent d'être restaurés à leur état d'origine en suivant strictement les règles de l'art pour pouvoir prétendre à l'état "collection".
D'autres nécessitent quelques améliorations dissimulées pour pouvoir re-fonctionner dans des conditions modernes.
Parfois l'intérieur doit être intégralement réinventé si on désire un autre usage que la décoration.
Enfin, certains objets doivent rester "dans leur jus" pour témoigner du temps qui passe.

Peut-on dénaturer un objet ?

Ce n'est pas un sujet du bac, mais un cas de conscience.
J'ai promis de donner des nouvelles d'objets à leurs propriétaires et je m'interroge sur la finalité de travaux à venir.

Quelques critères devraient permettre de choisir entre :
  • Le nettoyage pour décoration.
  • La restauration pour collection.
  • Le détournement pour utilisation.
La valeur historique de l'objet, sa rareté, son utilité, le coût de l'opération ou simplement la faisabilité et les compétences nécessaires sont importants.

Mais la valeur sentimentale, l'avis du propriétaire (surtout quand c'est moi) comptent plus que la logique. Parfois le simple plaisir du travail bien fait justifie de réparer un objet sans valeur.
Enfin, la réparation est la meilleur forme du recyclage.

Concernant par exemple les postes de radio, il paraît que l'on peut toujours capter quelques émetteurs sur une antique "TSF".
Ceci suffit à me rendre intéressant l'objet restauré "à neuf".

Mais ces deux postes ne sont pas des modèles rares, et si le coût ou le temps de restauration deviennent prohibitifs j'envisagerai une adaptation : Certains y intègrent une radio moderne, d'autres les transforment en enceinte bluetooth.

addendum : La question de l'utilité d'une radio à lampes a trouvé sa réponse. Je pensais écouter du Jazz d'époque sur FIP en AM, c'est foutu.

En revanche, montrer qu'on peut encore mesurer un signal avec un oscilloscope à lampes ne me semble pas d'une grande utilité. Mais j'aimerai bien que ces appareils soient autre chose que de gros presse-livres.
Un prochain article montrera donc ce qu'on peut faire d'un vieux "scope" auquel il manque la moitié des lampes et dont les condensateurs sont incontinents.

Concernant les oscilloscopes le choix devra se porter entre :
  • Sauvegarder le patrimoine et restaurer à neuf. Ce sera peut-être le cas pour deux modèles à priori rares : Le "École Breguet" dont j'ai déjà parlé, et un curieux appareil à tube apparent, issu également de l'enseignement.
© electrautopsy
Oscilloscope MAE 123 (Le matériel d'enseignement)
  • Remplacer toute ou partie de l'électronique d'origine pour afficher quelque chose sur l'écran. Ce sera une option pour les modèles plus communs.

En démontant l'intérieur d'une radio, en remplaçant une ampoule introuvable par une LED, je sais que je mérite les critiques des "puristes" (et que je compromet la valeur future de l'objet).
Donc - autant que possible -, chaque objet fait l'objet de recherche de documentation, prise de notes et photos. Chaque fil, chaque composant démonté est conservé pour permettre la remise en état initial par un éventuel futur collectionneur archéologue.

Les belles et les bêtes.

Au delà de l'intervention à l'intérieur d'un appareil, la restauration esthétique est également affaire de choix.
Certains vont vernir, chromer, lustrer jusqu'à obtenir un brillant flatteur qui n'existait pas sur l'objet neuf. D'autres aiment la patine, l'usure, imitent ce que seul le temps sait produire.

Sur un objet industriel conçu sans but esthétique, je m'applique à rendre l'aspect d'origine sans "forcer" : Je préfère une peinture d'origine un peu "passée", un métal un peu piqué à une restauration clinquante.

En revanche, les objets conçus pour être beaux - comme certains postes de radio - mériteront un travail de rénovation plus poussé.


À suivre : "Radioscopie : Le monde du silence."
(Promis, on arrête de s'interroger et on ressort les outils).



dimanche 8 janvier 2017

Bonne année !

Oui, je sais, on est déjà le 8 janvier.

À l'heure de Twitter et Facebook, ne pas envoyer ses vœux à minuit pile paraît assez rétrograde.
Et bien tant mieux : Certains appareils attendent une restauration depuis 50 ans, et la patience est une vertu.

Pourtant, on peut patienter 50 ans et être en retard de 24 heures.

J'ai raté la station.

Les modestes expériences que je décris dans ce blog ne sont pas forcément chronologiques. Intervenir sur un poste à lampes me prend plusieurs week-ends, je n'y consacre pas tout mon temps. Quand je présente ici le démontage, l'appareil est déjà en cours d'essai.

L'ironie qui s'est imposée en cette fin janvier 2017 justifie que je relate maintenant l'essai du poste de radio "Uniq", alors que le premier article concernant sa réparation - commencée courant décembre - n'est pas encore publié.

En raccourci : En décembre j'ai grossièrement réparé ce poste en changeant quelques condensateurs, juste pour voir si j'avais une chance de le faire fonctionner.
Une fois tout vérifié, je le branche et bonne surprise : Même sans antenne extérieure je capte (mal) deux ou trois stations en français, et (très mal...) une station anglaise, une espagnole ainsi que quelques voix lointaines et incompréhensibles (espions russes ? martiens ?).

Cela vaut donc la peine de le réparer ? Pas sûr.
En cherchant une liste des radios émettant en AM, je suis tombé sur cette information :

Fin des ondes longues, fin d’un monde (Télérama)

Eh oui.

J'étais en train de réparer un poste de radio qui ne recevrait quasiment plus rien avant même que la réparation ne soit achevée.

Le 7 janvier je ne recevais plus que RTL.

Bien sûr, avec une antenne extérieure, la nuit je capterai quelques postes pas trop lointains, dans une cacophonie de parasites gsm, wifi et autres tnt.

Alors que faire ?

Restaurer à l'identique pour l'héritage culturel ? Pour la satisfaction personnelle ?
Vider de sa substance pour ne conserver que l'apparence ? Transformer lecteur mp3 ?

En parallèle de la tristesse exprimée sur les forums relatant la disparition de l'AM (http://www.radioactu.com/), je me suis déjà interrogé sur l'importance de sauvegarder l'inutile, et sur les limites à se fixer.

Ceci sera le sujet d'un prochain article "Futur antérieur", qui bien qu'écrit avant ce que vous lisez maintenant, ne paraîtra que dans quelques jours. Comme quoi, même dans ce blog, le temps est relatif.